Les Védas
Veda veut dire connaissance, sagesse. Il existe 4 Védas : le ṛg veda, le yajur veda, le sāma veda, l’arthava veda.
Dans les Védas on trouve des hymnes. En particulier les hymnes du ṛg veda ont été écrits par des scientifiques spirituels, les anciens ṛṣi de l’Inde. Ils disaient : « sṛṇvantu viśve amṛtasya putrāḥ », « tous les êtres, écoutez, vous êtes les enfants de l’immortalité » ? Leur démarche est de dire : « tout ce que j’ai, je vous le donne ».
L’arthava veda est le Véda des formules et des sacrifices. Le sacrifice c’est se donner soi-même. Il s’agit de faire le bien mais surtout de le faire avec le cœur.
Le sāma veda montre comment chanter les mantras, la musique, la danse
Yoga et Védas
Prenons par exemple le dicton védique: « nālpamasti sukham, bhūmaiva sukham », « le bonheur n’est pas dans le fini, c’est seulement dans l’infini qu’on trouve le bonheur» ; c’est ce qu’ont réalisé les sages védiques. C’est pourquoi nous réfléchissons : quand l’âme individuelle est unie avec le Soi infini, elle fait l’expérience de la félicité. Les textes védiques disent « ātma sukha », « nous sommes dans le bonheur d’être dans le Soi ».
Toute la création est l’expression de cette félicité infinie, et le yoga est le salut dans la félicité infinie. Peut-être êtes-vous surpris que le yoga se rattache à la tradition védique. En réalité, la conception du yoga vient des Védas.
Par le yoga nous sommes libérés de toute sorte de peur ou de conditionnement, totalement libérés des forces qui nous limitent, nous contractent, nous conditionnent. Le véritable yogi va renouveler les méthodes du yoga, pour faire le bien-être de l’humanité. Le renouvellement, la découverte et la restauration de l’éternelle connaissance, sont la mission d’un véritable yogi. Les grands instructeurs développent cette connaissance du Soi et la communication avec le Soi avec la plus grande sincérité en fonction des besoins et du tempérament des individus. C’est ainsi que se perpétuent les anciennes méthodes yogiques.
Comme nous cherchons le bonheur dans la vie, nous nous posons ces questions : « D’où vient le bonheur ? Qui fait l’expérience du bonheur ? » Le bonheur dépend de nous, il ne dépend pas des forces extérieures ou des objets extérieurs, c’est l’individu qui fait l’expérience du bonheur. Quelles méthodes devons-nous suivre pour en faire l’expérience ? Pourquoi n’arrivons-nous pas avoir le bonheur ?
Dans la vie de tous les jours, nous faisons toutes sortes d’activités pour essayer d’avoir le bonheur, mais nous n’y arrivons pas. Même si nous disons : « c’est le bonheur, c’est la joie », cette joie reste de courte durée. Cet état reste temporaire parce que nous cherchons le bonheur dans le monde manifesté, à l’extérieur de nous en oubliant que le bonheur est déjà en nous, voilà le problème. La manifestation nous conditionne, nous contrôle, nous manipule, de façon multiple et nous ne sommes pas du tout conscients de cette manipulation.
Examinons trois sortes de raisonnements :
- D’abord nous essayons de raisonner en nous interrogeant : qu’est-ce qui est bon pour moi, qu’est-ce qui n’est pas bon, qu’est-ce qui est agréable, qu’est-ce qui est désagréable, etc.… ? Mais presque tous ces raisonnements sont erronés parce que n’obtenant pas de résultat agréable, il n’y a ni bonheur, ni satisfaction.
- Nous comprenons alors que nous ignorons totalement le bon raisonnement. En réalité ce n’est pas nous qui l’ignorons car le raisonnement est recouvert par les forces extérieures, ce dont nous ne sommes pas du tout conscients. Tout nous arrive de l’extérieur car étant poussés par les tendances, les organes des sens nous attirent vers des choses extérieures. Nous pensons que cela va nous donner la joie, mais quand ces forces nous attirent, il n’y a plus du tout de raisonnement.
- La troisième sorte de raisonnement vient de l’intérieur de nous. Dans ce cas, nous sommes capables de décider : « Est-ce que c’est bien pour moi ou non ? Est-ce que je peux accepter ou non ? » Mais cette troisième catégorie de raisonnement est rarement pratiquée dans notre vie de tous les jours parce que nous sommes envahis, emportés par les forces extérieures, les forces de la manifestation.
C’est en pratiquant le yoga que nous pouvons aller vers le Soi par l’intérieur de nous. Le dicton védique cité au début, dit : « nālpamasti sukham », « dans le fini il n’y a pas de bonheur » ; et : « bhūmaiva sukham », « dans l’infini seulement, se trouvent la joie, la félicité, le bonheur ». Si c’est le cas, quelle pratique en tirer pour notre vie de tous les jours ?
Dans les aphorismes de Patanjali on trouve : « tapaḥ svādhyāya īśvarpraṇidhānāni kriya yogaḥ ». Tapas (l’austérité), svādhyāya (l’étude de soi-même), īśvarapraṇidhāna (la dévotion à Ishvara), c’est le kriya yoga. Et dans le vedânta, on trouve en plus : « śauca saṁtoṣa svādhyāya īśvarapraṇidhānāni kriya ». Le vedânta ajoute śauca, la pureté. Il ne s’agit pas de la simple pureté extérieure : nous devons donner toute l’importance à la pureté intérieure. Dans le chapitre six de la Bhagavad Gita il est dit : « si vous voulez pratiquer la méditation vous devez pratiquer dans un endroit agréable » (śucau deśe : dans un lieu pur). Vous devez placer votre āsana là où la pureté est manifestée : « sthira sukham āsanam », vous devez être assis dans une posture ferme et agréable. La posture ferme est ce qui nous donne sukham, la joie d’être.
Śauca
Śauca étant un aspect très important, de quelle façon pouvons-nous pratiquer cette pureté ? Comme nous ne savons pas dans quel état nous sommes, c’est par la prière que nous pouvons libérer notre personnalité de ces impuretés. Avant d’entreprendre quelque posture de yoga, ou avant de nous lancer dans les activités de notre journée, pratiquons la prière. Cette prière n’est pas adressée un Dieu particulier, ou à un Dieu personnel, ou à quoi que ce soit, elle est une façon d’ouvrir notre cœur à l’infini.
Par exemple il y a une prière qui dit : « apavitraḥ pavitro vā », « je ne sais pas dans quel état je suis, pur ou impur ». Mon état d’être présente toutes sortes de confusions, d’impuretés, qui me dominent. Je ne sais pas si je suis dans l’état de sattva, dans l’équilibre, ou non, mais peu importe. « Sarvāvasthāṁ gato’pi vā », « je ne sais pas si je suis endormi ou si je suis dans l’état de rêve éveillé, je ne sais pas ». Mais ce n’est pas un problème : « yaḥ smaret puṇḍarīkākṣaṁ sa bāhyābhyantaraḥ śuciḥ », « Celui qui se souvient de l’infini devient pur intérieurement et extérieurement ». Voilà la prière : « simplement que la conscience soit dirigée vers cette pureté d’infini. Que cette pureté soit manifestée dans mon être ».
Cela ne pose pas de problème que vous croyiez en un Dieu particulier ou personnel, dans ce cas vous pouvez alors vous adresser à Lui. Si vous ne croyez pas en un Dieu, c’est aussi parfaitement bien. Quand vous dites ces paroles, une vibration s’élève, elle se manifeste de façon harmonieuse. Que vous le vouliez ou non cette vibration affecte chaque cellule et chaque molécule de votre corps. Alors, automatiquement, votre conscience est dirigée vers cette pureté. C’est ainsi que la pureté intérieure et la pureté extérieure sont intensifiées. C’est avec cette prière védique que l’on commence l’activité de la journée.
Ainsi Patanjali, qui accorde beaucoup d’importance à śauca, la pureté, la place dans les yama et niyama. Les yama commencent par ahimsa, la non-violence. La violence est cause de toutes sortes d’impuretés qui affectent notre personnalité. De quelle sorte de violence s’agit-il ? Quelles sortes de pratiques pouvons-nous entreprendre pour diminuer cette violence ?
La violence commence à l’intérieur de nous, elle est due aux forces qui sont dans le subconscient. A notre insu ces forces se connectent facilement aux forces extérieures qui menacent tout, qui menacent tout le monde, y compris l’individu. Cette prière védique est efficace pour développer en nous la capacité de résister, de nous défendre. La conscience est alors libérée des forces extérieures et nous trouvons ainsi la capacité de diminuer la violence intérieure.
Toutes les turbulences qui sont en nous peuvent nous conduire dans n’importe quel état extérieur. C’est pourquoi la non-violence doit commencer à l’intérieur. Nous devons savoir de quelle façon intensifier cette paix, cette harmonie et ce dynamisme intérieurs. C’est là que les prières ou les mantras qui viennent des Védas sont efficaces. C’est de cette façon que nous pouvons développer śauca, la pureté de notre personnalité.
Saṁtoṣa
Après śauca, Patanjali parle de saṁtoṣa, le contentement. Le contentement est important parce que, si nous ne sommes pas contents de nous-mêmes, toutes sortes de problèmes apparaissent : nous projetons notre mécontentement sur tout le monde, tout le monde en est affecté et notre interaction avec le monde devient difficile. Par exemple si nous sommes de mauvaise humeur avec nos collègues, cela se voit sur notre visage, tout le monde nous regarde en se disant : « Qu’est-ce qui se passe ? » Les gens sont effrayés de parler avec nous. À la place, si nous sommes capables de sourire, l’interaction est facile, nous pouvons nous exprimer facilement, il n’y a plus de contraction. Le mécontentement nous contracte et quand nous sommes contractés, la réaction immédiate c’est la colère, alors que dans le contentement nous sommes dans l’état d’harmonie et de paix.
Pour développer saṁtoṣa, le contentement, la Bhagavad Gītā enseigne la modération en tout. La Bhagavad Gītā parle de modération parce que tout ce qui est excessif nous conduit vers la destruction de notre personnalité. Prenons un exemple dans le monde : si vous avez gagné quelque chose, vous avez envie de danser, d’agir dans la joie. Mais le lendemain vous êtes totalement fatigués, il n’y a plus du tout d’énergie, peut-être êtes-vous affectés par une grippe ou quelque autre maladie. Le premier jour beaucoup d’énergie et de chaleur se sont exprimées et le lendemain cette énergie n’est plus là. La vie vous affecte, les cellules sont facilement affectées par les microbes à cause de cette diminution d’énergie. Ainsi modération veut dire : la joie c’est parfaitement bien, mais à condition de la maîtriser, en évitant tout ce qui est excessif.
La modération
Autre exemple, la Bhagavad Gita parle de la nourriture : « yuktāhāra vihārasya ». Si nous mangeons beaucoup de gras la digestion sera très difficile et nous serons fatigués. Nous serons endormis, nous aurons des problèmes dus à une indigestion et ces problèmes continueront pendant plusieurs jours parce que cette consommation excessive affecte le psychophysique. La Bhagavad Gītā dit : « yuktāhāra vihārasya yuktaceṣṭasya karmasu[1] ». Même dans l’action, même dans les relations avec les gens ou les collègues, nous devons garder notre personnalité, notre dignité. Si nous allons trop loin, les gens le remarquent tout de suite : « oh, il est excessif », et les critiques commencent. Mais si nous sommes modérés, la dignité est présente. La dignité de l’homme est importante partout. Et la Bhagavad Gītā ajoute : « yukta svapna avabodhasya », la modération dans le sommeil et la veille également. Nous devons nous modérer en tout.
C’est pourquoi Patanjali étudie les niyama, les disciplines personnelles que nous devons respecter. Ces disciplines ne sont pas imposées par la religion ou par les Ecritures, ou par quelqu’un d’autre, car si nous essayons de suivre quelqu’un ou quelque chose, c’est l’idée de quelqu’un d’autre que nous suivons. Cela sera peut-être pour nous, agréable ou désagréable. Au contraire, pour être modérés dans la vie, nous devons décider nous-mêmes pour nous-mêmes.
La modération nous donne la satisfaction intérieure, alors que s’il a quelque chose d’excessif, un désir est créé. Si nous n’arrivons pas à combler ce désir, nous sommes perturbés. Si nous sommes perturbés, la confusion commence dans la tête ; l’intelligence ne fonctionne plus. Si l’intelligence ne dirige pas nos activités, nous sommes conduits à la destruction. Cela arrive même chez les érudits, les gens intelligents, parce qu’ils n’arrivent pas à maîtriser leur savoir de façon juste. C’est la modération en tout qui nous rend contents : « Oui, j’ai tout pour moi, c’est bien ». Ce contentement donne la satisfaction. L’esprit reste dans l’état d’harmonie. Voilà pourquoi la tradition védique donne tant d’importance à śauca et saṁtoṣa.
Yoga kriya
Dans le Hatha yoga il existe des pratiques de kriyas, par exemple neti ou d’autres pratiques, etc… Ce sont des pratiques physiques. Mais s’il n’y a pas de tapas intérieur, ces pratiques ne donnent aucune transformation, ni aucun résultat agréable. Par exemple, si vous êtes en train de faire dhauti, vous mettez le fil dans votre nez mais la conscience est ailleurs. Alors vous ne le ferez pas de façon juste et vous risquez des problèmes. Dans le prāṇāyāma c’est la même chose. Par exemple dans l’exercice appelé kapālabāthi, si votre conscience n’est pas dirigée de façon juste, n’importe quelle sorte de problème peut surgir, des vertiges, ou même devrez-vous être opéré. Pour éviter ces problèmes, vous devez être conscients de ce que vous faites. Autre exemple : vous faites trataka, vous regardez la bougie ; si vous regardez de façon incorrecte, vos yeux peuvent être affectés, vous attraperez mal à la tête, ou autre chose.
En médecine ayurvédique aussi il existe des kriya, mais ils sont différents. Par exemple pour nettoyer le nez vous utiliserez une poudre appelée nasya en sanskrit. Vous mettez nasya et le nez est purifié. De la même façon il y a d’autres médicaments pour nettoyer le corps. Quand le corps est nettoyé, l’esprit devient calme et s’exprime harmonieusement dans le psychophysique. C’est la psychologie qui guide cette pratique dans le système ayurvédique.
Comme nous ne pouvons pas voir le médecin tout le temps, de quelle façon pouvons-nous faire cette purification ou kriya ? Nous devons adopter des disciplines personnelles, pour faire en sorte que le psychophysique obéisse à notre Soi. En général c’est le psychophysique qui est maître de notre Soi : nous regardons quelque chose, « oh, c’est bien ! », et l’esprit est parti ailleurs. Cette attraction vers une chose ou une autre est tout le temps active, l’esprit est dispersé et cette dispersion est la cause de toutes sortes de souffrances.
Alors utilisons plutôt une démarche intérieure en faisant en sorte que le psychophysique obéisse au Soi, à l’intelligence pure. Prenez par exemple dans l’Upaniṣad Katha, il y a cette explication : « śarīraṁ rathameva tu », le corps c’est un chariot ; « indriyāṇi hayānāhur », les chevaux sont les organes des sens ; « manaḥ pragrahameva ca », les rênes sont contrôlées par la buddhi, l’intelligence ; « buddhiṁ tu sārathiṁ viddhi », l’intelligence pure est le conducteur du chariot. L’âme individuelle doit se connecter à l’intelligence pure. C’est l’intelligence pure qui nous dirige dans la direction que nous avons choisie. C’est ainsi que la Katha upaniṣad montre de quelle façon contrôler notre psychophysique, pour que le corps obéisse à cette intelligence pure, c’est à dire au Soi. Nous devons pratiquer les disciplines personnelles pour que le corps devienne une “machine obéissante”.
La force, c’est le Soi ou l’intelligence pure ; l’outil, c’est la pratique des disciplines personnelles.
La nourriture
Nous devons donner toute son importance à la nourriture. La raison en est expliquée dans les upaniṣad. Dans la Chāndogya upaniṣad il y a un verset qui l’explique : « āhāra[2] śuddho sattva śuddhi », « si la nourriture est pure, l’essence de la nourriture devient pure ». Cette essence de nourriture nous aide à purifier les mémoires, ces impressions qui nous conduisent dans toutes les directions, là où il n’y a plus de raisonnement, là où nous nous conduisons comme des robots. Aujourd’hui il y a des robots qui sont équivalents à un humain, mais c’est encore un être humain qui contrôle le robot et il est une cause de limitation, car s’il n’est pas dans l’état d’harmonie, dans la paix, il peut conduire le robot dans n’importe quelle direction. C’est pourquoi nous devons maîtriser ce robot de façon juste. Si la nourriture est pure, « āhāra śuddho sattva śuddhi », cette essence qui nourrit chaque cellule et chaque molécule de notre corps devient pure, toutes les impuretés sont éliminées. Notre mémoire guidée par le Soi devient ferme sur notre être. Sinon notre mémoire nous conduirait à toutes sortes de souffrances, c’est ce que nous expérimentons tous les jours, à chaque instant de notre vie. Voulons-nous vivre de cette façon ?
Mais qu’est-ce que la nourriture sattvique, la nourriture qui donne l’équilibre ? Cela dépend de chaque individu, nous ne pouvons pas dire « ceci n’est pas bon pour toi » ou « ceci est bon pour toi ». Chacun doit choisir sa nourriture. Si nous sommes habitués à manger de la viande depuis l’enfance, c’est parfaitement bien, mais tout dépend de notre attitude, de la vibration qui nous relie à la nourriture. Nous devons convertir la viande en une nourriture sattvique, par exemple en récitant la prière avant de manger : « brahma-arpaṇaṁ[3] ». Cette nourriture est offerte à l’infini, et non pas au moi égoïste. Si vous dites « c’est pour moi », c’est l’égoïsme qui contrôle, qui contracte. À la place, dites : « c’est pour l’infini-même », car vous êtes l’expression de l’infini. Le processus de digestion, la chaleur, etc…, sont l’expression de l’infini-même. La conscience est orientée vers cette Réalité infinie et la nourriture devient l’essence pure. Cette compréhension juste est importante quand on parle de nourriture sattvique, c’est le rôle de la prière.
La prière
Chacun dans sa religion a appris des prières. Mais il y a toutes sortes de prières. Pourquoi prier ? Qui prier ? De quelle façon prier ? En général dans la prière, nous disons : « Oh, Seigneur, je ne suis rien, donne-moi ceci, donne-moi cela ». Nous sommes tout le temps des mendiants. Mais y a-t-il quelque chose à mendier ? Ne sommes-nous pas les enfants de Dieu ? Dieu ne va-t-il pas nous donner tout ce dont nous avons besoin ? Pourquoi avons-nous ignoré tout ce qu’il y a en nous ? C’est le sens de cette prière védique : « balamasi balaṁ mahi dehi », « Tu es la force même, donne-moi la force » ; « vīryamasi, vīryaṁ mayi dehi », « Tu es la virilité même, donne-moi cette virilité ». Cela signifie : « Que cette virilité ou cette force se manifestent dans ce psychophysique ». Cette union est apportée par la prière.
Ces prières sont aussi appelées mantras. Mantra signifie : « manana trayate », « par la conscience vous êtes connectés avec cela ». Mantra signifie aussi vibration, vibration positive. Cette vibration se manifeste comme l’énergie. Cette énergie s’exprime comme la conscience. Nous devons savoir quelle sorte de mantra nous devons utiliser pour intensifier cette énergie pure. En effet nous utilisons toutes sortes de mots, et chaque mot possède un pouvoir. Les mots peuvent détruire, ils peuvent tuer. À la place il existe des mots qui donnent l’énergie, l’harmonie, la paix. Par exemple dans la prière védique, à la fin il y a : « Oṁ śāntiḥ, śāntiḥ, śāntiḥ ». « La paix, la paix, la paix ». Quand nous prononçons ces mots, nous sentons cette paix, cette harmonie. Nous avons besoin de la paix surtout avec tout ce qui se passe dans le monde. À l’intérieur de nous il y a ce cri pour avoir cette paix. Quand nous nous intériorisons grâce à cette prière, cette paix se manifeste en nous, automatiquement.
Avant de commencer une activité, quelle qu’elle soit, nous devons être en paix, en harmonie. C’est possible grâce à cette prière : « saha nāvavatu » « Que nous restions tolérants l’un et l’autre » ; « saha nau bhunaktu » ; « Que nous puissions assimiler ensemble ce qui est bon pour tout le monde » ; « saha vīryaṁ karavāvahai », « Que nous soyons ensemble pour avoir cette force d’accomplir nos tâches » ; « tejas vināvadhītam astu », « Que notre personnalité brille partout, que notre intelligence devienne pure, pour nous conduire vers les actions justes ». « Que la paix règne partout ». Et aussi : « dyauḥ śāntir antarikṣaṁ śāntiḥ, śāntireva śāntiḥ », « Que la paix règne dans le cosmos, dans notre biosphère, ici sur notre terre ». La conscience est totalement changée par cette prière et nous nous connectons à la Réalité. C’est cela le yoga, c’est ce que nous cherchons par la pratique du yoga : le corps est automatiquement conduit vers l’harmonie et la paix.
Passons maintenant à la régulation de l’énergie pranique, ce qu’on appelle le prāṇāyāma. Le prāṇa n’est pas simplement le souffle, c’est la force de vie. Nous devenons conscients de cette force de vie qui s’exprime de cinq façons, qui sont appelées les cinq prāṇa : prāṇa, apāna, vyāna, udāna, samāna ; ils sont cette énergie pure. Là aussi nous avons une prière védique : « prāṇa apāna vyāna udāna samānā yas svāhā virajā vipāpma ātma me śuddhyantām », « que tous les prāṇa soient purifiés, et que l’âme reste pure. Je suis uni avec le Soi suprême ».
Il y a bien d’autres prières dans les Védas, par exemple : « ātma me śuddhyantām », « que ce Soi soit purifié, que je reste en harmonie et en paix, que ce Soi suprême soit purifié, que je reste pur ». Et aussi : « parame ātman me śuddhyantāṁ jyotira ahaṁ virajā vipāpma », « je suis totalement libre de toutes les sortes d’impuretés. Tout ce que je fais, posture du corps ou autre, est connecté à cette Réalité ». Il n’y a plus d’impuretés grâce à cette conscience qui nous purifie, qui purifie chaque acte de notre vie. De la même façon, alors que nous respirons tranquillement, la conscience est dirigée vers cette Réalité infinie ou vers l’infini qui s’exprime comme la force de vie. C’est ce que nous appelons prāṇa. La conscience reste pure quelle que soit la façon dont les cinq prāṇa s’expriment dans ce psychophysique, « prāṇā apāna vyāna udāna samānā svāhā jyotira ahaṁ virajā vipāpmā », « je reste toujours avec cette lumière infinie. C’est cela qui me purifie. Je reste dans ce pur état d’être ».
Il y a plusieurs sortes de kriya faciles que tout le monde peut pratiquer, sans distinctions. Dans les Védas il n’y a aucune différenciation, aucune distinction, chacun est capable de progresser, de faire tout ce qu’il veut. Ainsi il y est dit : « sṛṇvantu viśve amṛtasya putrāḥ », « tous les êtres, écoutez, vous êtes les enfants de l’immortalité ». Si nous sommes tous les enfants de l’immortalité pourquoi faisons-nous toutes sortes de distinctions, de différences ? C’est l’ego qui crée ces problèmes et il y a des méthodes pour transformer l’ego.
Svādhyāya
Après avoir accepté notre méthode de progression nous devons nous étudier nous-mêmes, c’est svādhyāya. Est-ce que ma personnalité a vraiment été transformée, changée ? Est-ce que les émotions me perturbent et dans ce cas pourquoi me perturbent-elles ? Où en est la cause ?
Les causes ne sont pas à l’extérieur, elles sont à l’intérieur de nous. Ce sont les impressions du passé qui viennent peut-être de nos ancêtres. Mais nous ne sommes pas nos ancêtres, nous pouvons changer ce que nous avons hérité d’eux. Cela dépend de nous, de notre harmonie intérieure, de notre capacité à nous transformer. Avec quelle intensité suis-je capable de me concentrer ? S’il y a une perturbation, dans le mental, d’où vient-elle ? En général nous projetons nos problèmes vers les gens ou vers l’extérieur, en disant : « c’est à cause de ceci, c’est à cause cela, etc.… » Mais la cause est là, en nous ; nous avons jugé que quelque chose était désagréable, c’est la cause, et la perturbation s’exprime. Nous pouvons dire : « oui cela ne m’appartient pas, je suis un être transformé, je suis capable de faire tout ce que je veux, ma vie c’est ma vie, je veux progresser ». C’est ce courage, le courage d’être, qui nous aide à progresser. C’est cela svādhyāya.
Īśvarapraṇidhāna
Passons maintenant à īśvarapraṇidhāna qui est la dévotion à Īśvara. Qui est Īśvara et de quelle façon pouvons-nous le comprendre ou le percevoir ? Nous avons appris dans les Ecritures que le créateur est Īśvara et nous trouvons toutes sortes d’explications sur la manière dont le créateur crée le monde, dont il le maintient, et dont il le détruit. Tout cela est dans les Ecritures pour que les gens le comprennent et chacun le prend d’une façon particulière. Maintenant nous avons la capacité de le comprendre de façon adaptée à notre être. Par exemple : ce psychophysique devant fonctionner, quelle est la force qui l’anime ? Si vous dites que c’est l’énergie, alors cette énergie, d’où vient-elle ? Vous pouvez dire que cette énergie vient de l’alimentation, des vitamines, ou autre, etc… Mais comment sont créées les vitamines ? Vous l’expliquerez scientifiquement en disant : c’est l’énergie solaire qui est convertie en vitamines…
Ainsi nous sommes connectés au Soleil. Dans le Hatha yoga quand nous pratiquons la salutation au soleil, sommes-nous conscients du soleil ? Nous commençons en joignant les mains. Quel est l’état de conscience ou quel est l’état d’être à ce moment-là ? Pourquoi plaçons-nous les mains de cette manière ? C’est parce que ce geste unifie l’âme, l’esprit et la matière. Le corps c’est la matière. L’esprit qui s’est exprimé dans le psychophysique vient de l’infini. C’est l’unification esprit-matière. Alors d’où vient cette énergie ? Si vous concevez que cette énergie vient du soleil, c’est scientifiquement correct, mais cette force du soleil existe par elle-même, c’est l’énergie même, l’infini même.
Quand vous placez ainsi les mains, cette conscience est dirigée vers cette Réalité. Et en même temps vous dites le mantra : « oṁ hrāṁ mitraya namaḥ ». Mitra signifie ami, ce qui est amical. Est-ce que le soleil physique est amical ? D’une certaine façon, oui, mais cette amitié est là, éternelle, partout. Quand votre conscience est dirigée vers le soleil, c’est une expansion de l’amitié. Tout le monde va recevoir cette amitié. Dans la salutation au soleil, c’est nous-mêmes que nous saluons. En commençant par joindre les mains cela intensifie le courant spirituel en interconnexion avec le matériel, les 5 éléments qui nous constituent. Joindre les mains diminue l’aspect matériel.
Ensuite vous élevez les mains, pourquoi? C’est pour recevoir cette force et cette lumière qui viennent des rayonnements du soleil. C’est pour que chaque cellule et molécule de votre corps expriment ce rayonnement. Pour amener cette conscience, là aussi il y a un mantra : « oṁ hrīṁ ravaye namaḥ ». Ravaye vient de ravi qui signifie la lumière, le rayonnement du soleil. Scientifiquement il est correct de dire que c’est le soleil qui nous donne la vitamine D. Vous êtes maintenant capables d’amener consciemment ce rayonnement vers votre psychophysique.
De la même façon pour chaque geste de la salutation au soleil il y a un mantra védique. Avec la vibration du mantra, la conscience est facilement dirigée vers cette force.
C’est ainsi que dans le yoga kriya, chaque exécution d’un kriya, chaque acte est connecté à cette Réalité qu’on appelle le Suprême, où l’infini. Aimer cette Réalité à chaque instant de notre vie, c’est īśvarapraṇidhāna. C’est la dévotion à Īśvara qui est l’expression de cette Réalité. Īśvara signifie ce qui est éternel. Il y a en sanskrit naśvara qui signifie ce qui est périssable. Īśvara est ce qui est éternel mais n’est pas ce que nous appelons habituellement Dieu. Īśvara est ce qui est éternel ; cette énergie est éternelle ; cette luminosité est éternelle ; la beauté est éternelle ; l’amour est éternel ; l’intelligence est éternelle ; la connaissance est éternelle.
Nous pensons que la connaissance est ce que nous avons appris dans les Ecritures. Mais ce que nous recevons des Ecritures est seulement ce que les autres ont dit. La connaissance, au contraire, dépend de nous, de la façon dont nous interprétons ce que les autres ont pensé, fait ou exprimé. La connaissance est la perception directe : « j’ai fait cette expérience, je suis convaincu ». Cette conviction est en réalité la connaissance. Quand nous sommes convaincus, la joie apparaît. Notre cœur commence à s’ouvrir ; et cette joie se manifeste dans notre psychophysique. C’est la connaissance, c’est éternel ; cette Réalité est éternelle, c’est Īśvara. Nous devons aimer cette Réalité.
Cette Réalité est nommée de différentes façons, chaque système en parle de façon particulière. Par exemple dans le saṁkhya la réalité unique c’est puruṣa, la création est faite par prakṛti. Tous les êtres humains sont la création de prakṛti. Leurs différences viennent de la manière dont les guṇa dominent. Dans Patanjali, puruṣa c’est īśvara, l’infini, qui s’exprime de façon particulière selon le besoin, le caractère….
La méthode proposée c’est donc la dévotion à īśvara, ce qui veut dire « être connectés à la Réalité ». Les Sages nous ont dit : « La Vérité est une, les êtres réalisés en parlent de façon différentes. De même que le feu brûle de nombreuses choses différentes, le feu est unique. Le feu c’est le feu, il purifie tout. Le soleil également brille pour tout le monde quelles que soient sa race ou sa religion, il réchauffe tout.
Les mantras
C’est par les mantras que maintenant nous pouvons pratiquer cet amour du divin, de cette Réalité. Si nous disons simplement : « j’ai essayé d’amener cette conscience en moi, mais ce n’est pas très facile », c’est parce qu’il y a d’anciens souvenirs, des mémoires, les saṁskara, qui essayent de surgir à chaque instant de notre vie et submergent cette conscience. Alors nous sommes emportés ailleurs.
Mantra signifie : ce qui vibre. Alors le corps est pris dans cette vibration subtile, c’est-à-dire chaque cellule et chaque molécule de notre corps. Au début nous ne le savons pas mais que nous le voulions on non cela agit. La vibration entre dans les marma (les points vitaux), comme, par exemple quand on touche chaque doigt dans la puja
Le mantra crée une vibration. Cette vibration, que nous le voulions ou non, se transmet automatiquement dans chaque cellule et chaque molécule de notre corps ; elles se mettent à vibrer. Dans le domaine des sciences, les particules sont des vibrations subtiles. De la même façon les cellules et molécules, sont des vibrations subtiles. Pour le moment les vibrations subtiles appartiennent à la matière, mais avec la vibration du mantra, ce n’est plus la matière, c’est l’infini même qui vibre. C’est la vibration de l’infini, de la Réalité, qui se manifeste. Elle devient l’énergie, la conscience, l’intelligence, l’amour… etc. Dans la pratique du yoga kriya, les mantras sont utilisés pour amener cette Réalité à se manifester dans le psychophysique.
Dans le kuṇḍalinī yoga on enseigne des formules pour éveiller la kuṇḍalinī qui est la force de vie lovée dans mūlādhāra. C’est écrit dans les Védas.
On peut citer d’autres exemples de la purification par les mantras dans les rites védiques. Dans la puja le mantra suivant est récité : « oṁ bhūtaśṛṁgata cchiraḥ suṣumna pathena jīvaśivam paramaśivapade yojayāmi svāhā », « Que les 5 éléments soient convertis en énergie spirituelle. Que cette énergie et le Soi individuel s’élèvent jusqu’au sahasrara cakra (au somment de la tête) par la suṣumna et s’unifie avec paramaśiva, le Suprême ».
Et aussi : « oṁ yaṁ liṁgaśarīraṁ ṣoṣaya śoṣaya svāhā, oṁ raṁ saṁkocaśarīraṁ daha daha svāhā », « Que toutes les mémoires soient brûlées par le feu »
Dans la période védique ou dans la période upanishadique, le yoga était pratiqué différemment d’aujourd’hui, mais petit à petit il a commencé à prendre une autre direction. Dans les upanishads il y a l’histoire des deva, les êtres sattviques, et des asura, les êtres démoniaques. Démoniaque qualifie les gens qui sont agités : même si vous dites quelque chose de bon à ces gens-là, ils ne peuvent ni l’accepter ni le comprendre. Ils n’arrivent pas à comprendre parce qu’il y a des turbulences à l’intérieur d’eux-mêmes. Les anciennes mémoires disent : « Ceci n’est pas la réalité. C’est cela qui est la réalité ». Et cette erreur les empêche d’accepter. Le mot deva qualifie des personnes qui sont sattviques, en qui l’équilibre intérieur est réalisé. Ces personnes “deva” sont capables d’analyser ce qui est réel et ce qui est irréel.
L’aspect sattvique appartient à la Réalité, il connecte l’individu à cette force. La dévotion à la Réalité est très importante parce qu’elle aide à intensifier l’aspect sattvique, la force de Réalité. L’aspect démoniaque est alors éliminé.
C’est le Oṁ qui nous connecté à la Réalité ? En effet si je parle de Dieu cela ne conviendra peut-être pas à quelqu’un d’autre. Patanjali nous dit de chanter Oṁ pour apaiser le mental. Quelle que soit la croyance le Oṁ est seulement l’infini qui s’exprime. Pour diminuer l’agitation il suffit de chanter Oṁ avant toute action, toute pratique. Oṁ, c’est la vibration qui nous appelle.
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[1] Bhagavad Gītā VI – 17 « yukta-āhāra-vihārasya yukta-ceṣṭasya karmasu » : « pour celui qui est modéré dans l’alimentation, pour celui qui est mesuré dans ses actions » … « le yoga détruit la souffrance »
[2] La nourriture
[3] Brahman est l’instrument du sacrifice
Swami Veetamohananda
Conférence prononcée au Forum 104 dans la cadre de la Fédération Védique de France