Protestez utilement

On sait que dans les temps anciens c’étaient les dieux, et non les rois, qui gouvernaient le monde. La prière était le moyen de solliciter, de protester et d’exprimer tous ses besoins. Cela se passait de cœur à cœur. On priait intérieurement avec sincérité, et des bénédictions en découlaient. Le cœur était au centre de la communication. Aujourd’hui, l’heure est au mental. En nous éloignant du cœur, nous avons oublié de prier.

Le mental gère la logique et la raison, de sorte que les requêtes autrefois formulées en silence prennent désormais la voie de l’écrit. Nous déposons donc des requêtes, exprimons nos griefs et cherchons par de nombreux moyens à être satisfaits, mais ces moyens ne sont pas très efficaces, car l’homme utilise désormais davantage son mental que son cœur. La nature du mental n’est pas d’écouter, elle est de dire et de faire. Lorsque l’insatisfaction augmente, il est naturel de répliquer par la violence. La réponse à la loi du plus fort est la force du nombre. C’est pourquoi nous manifestons, non pas seuls et en silence, mais rassemblés en grand nombre dans la rue.

C’est normal. Une révolution peut naître dans un salon avec une personne ou une poignée de personnes, mais elle réussit par la force du nombre. Si le moyen utilisé est le silence et la prière, la force du nombre augmente d’autant plus que cette foule est tranquille. Imaginez qu’un grand nombre de personnes tenant des pancartes de protestation se rassemblent en silence devant les bureaux des rois de notre temps et prient pour la résolution d’un problème. L’agitation est comme le feu, elle exprime la colère et nous sépare, alors que la prière est comme l’eau, elle nous apaise et nous rassemble. Il suffit d’insuffler de l’air à un seul d’entre eux pour réussir.

Au cours de notre lutte pour l’Indépendance, de grands leaders ont travaillé dur pour nous, mais le travail silencieux de saints comme Swami Vivekananda, Shri Ram Chandra de Shahjahanpur, affectueusement appelé Babuji, et d’autres géants spirituels a donné de l’élan à ce processus et en a catalysé l’ardeur. La puissance de leur intention, leur carburant spirituel et leur foi ont amélioré la prise de conscience et l’attention des dirigeants. C’est peut-être la raison pour laquelle notre mouvement pour l’Indépendance a été couronné de succès avant ceux du reste de l’Asie et de l’Afrique coloniales. Les manifestations étaient essentiellement pacifiques et modérées et elles émanaient d’un espace altruiste, le cœur. Lorsque cela se produit ainsi, les bienfaits de ces manifestations vont au-delà de la paix et du calme, ils s’étendent aux générations futures et contribuent à promouvoir l’évolution de l’humanité.

Nous voyons que l’avenir appartient à la manifestation de l’intention du cœur. L’intention du cœur. Le pouvoir de l’intention (ou, comme le dirait Babuji, sankalpa) a beaucoup plus de puissance que les manifestations et les actions en justice qui se déroulent en place publique. Si nous devions examiner tous les problèmes du monde, contre combien d’entre eux manifesterions-nous ? Combien seraient entendus ? Combien trouveraient des solutions et combien de ces solutions seraient appliquées efficacement ? Toutes ces questions nous ramènent au cœur ; elles nous ramènent au pouvoir qu’ont l’intention, la sagesse et la positivité d’une prière pour conduire à des solutions. Si nous vivions tous dans l’altruisme, nous n’aurions pas besoin de manifester. S’il est indispensable de vivre dans l’altruisme, il faut alors faire naître la paix dans le cœur.

Babuji a dit : « Il est donc essentiel de trouver des moyens pour développer en chaque individu un état de paix et de contentement. Ainsi, tout ce que nous avons à faire pour atteindre la paix mondiale est de modeler les tendances mentales de chaque individu. Cela implique une bonne régulation du mental afin d’y introduire un état de modération. C’est la seule façon d’apporter la paix dans le monde. Il est donc essentiel pour nous tous de développer la paix de l’esprit en nous. Mais cela étant exclusivement du ressort de la spiritualité, nous devons recourir à des moyens spirituels pour y parvenir. »

Si chacun a cet objectif spirituel dans le cœur, à quoi sert de manifester ? Où se pose encore la question des bonnes et des mauvaises intentions ? Si la vie et nos cœurs s’exprimaient aussi naturellement, il n’y aurait pas de contestations.

L’auteur, Kamlesh D. Patel, également appelé Daaji, est le guide mondial de Heartfulness – Shri Ram Chandra Mission

(Article paru dans The Speaking Tree, The Times of India, Bangalore, samedi 18 décembre 2021)

 

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